Idée : Si la pensée européenne glorifie l’action et l’héroïsme, la conception chinoise de la guerre repose sur une stratégie plus défensive. Par Sybille Persson, ICN Business School.

Article paru en français dans la Tribune du 29/03/20

 

« Nous sommes en guerre », a martelé le président français Emmanuel Macron le 16 mars dernier, tandis que la chancelière allemande Angela Merkel reprenait, deux jours plus tard, le thème de la mobilisation générale.

Ces déclarations traduisent une stratégie déployée en Europe qui diffère de l’approche chinoise décrite notamment par les travaux sur l’efficacité du philosophe et sinologue François Jullien.

Modélisation vs potentiel de situation

Si la stratégie est fille de la guerre, de Sun Tzu, auteur du célèbre L’Art de la guerrequi date du IVe siècle avant Jésus-Christ, au théoricien militaire prussien Carl von Clausewitz, en passant par Machiavel, elle repose sur une conception de l’efficacité et du changement dont l’ADN culturel gagne à être questionné.

En suivant Le traité de l’efficacité de François Jullien, il est possible de remonter dans la généalogie de deux traditions de pensée, l’européenne et la chinoise, longtemps indifférentes l’une à l’autre. Sans réelle rencontre et échanges avant le XVIe, voire le XVIIIe siècle, ce sont deux pensées plurimillénaires qui ont chacune évolué, indépendamment l’une de l’autre.

Pour la pensée européenne qui s’est érigée à partir du berceau philosophique grec, il s’agit d’abord de modéliser : le plan des opérations militaires du général, la courbe de croissance de l’économiste, la promesse du politique. La théorie est première ; elle précède la pratique dans ce rapport entre modélisation et application. Comme l’écrit François Jullien dans son livre De l’écart à l’inouï :

« La conception la plus commune de l’efficacité en Europe […] nous apprend à dresser un plan et à raisonner en termes de moyen(s) et de fin (le business plan) […] Or la pensée chinoise attire notre attention sur les conditions favorables inscrites dans la situation même, à titre de facteurs porteurs, et dont il faut tirer parti pour réussir. La situation n’est plus cette réalité adverse […], elle est la ressource qu’il faut savoir faire évoluer à son profit ».

Il n’y a pas eu de coupure forgée entre théorie et pratique depuis la Chine. Dans les arts de la guerre chinois, le rapport entre modélisation et application n’émerge pas.

En revanche, on y trouve les notions de situation, de configuration, de terrain, que Jullien traduit par « potentiel de situation ». Ce potentiel de situation évolue en fonction de La propension des choses, pour reprendre le titre d’un autre ouvrage du sinologue.

Lire la suite en français sur La Tribune ou dans la  version originale (en anglais) sur The Conversation

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