Transcription d’après la première partie d’une conférence sur le Shiatsu donnée par Bernard Bouheret à la Maison de la Culture du Japon à Paris le 11 avril 2019.
Bernard Bouheret nous raconte comment ce voyage temporel s’est effectué et comment le shiatsu est devenu une voie (dô) pour les Occidentaux en quête de sens et de santé. Originaire de Chine, le shiatsu est arrivé au Japon aux environs du VIe siècle avec les moines bouddhistes. Il fait partie du corpus de la médecine chinoise, mais il a acquis sa particularité au Japon. Arts martiaux, bouddhisme Zen et shintô ont participé à l’élaboration d’une discipline pratiquée à terre. De nos jours, le shiatsu s’épanouit en Occident où il semble répondre aux besoins de la vie moderne. En France, il s’installe dans les hôpitaux, les entreprises, les cabinets privés, et il est reconnu comme une thérapie à part entière par de nombreux professionnels de la santé.
De la discipline manuelle qu’est le shiatsu, et de l’élaboration multi-millénaire d’une médecine dite taoïste
Le Tao et les premiers taoïstes
Tout part de Chine, et en Chine tout part du Tao, avec les taoïstes que l’on connait : Tchouang Tseu, et Lao Tseu qui est le plus connu (auteur du fameux livre le Tao Te King, traduit par La voie et la vertu .
Le Tao se situe dans l’histoire au 5e siècle avant JC, ou avant ce qu’on appelle l’Ère Commune. Il apparait en même temps que Confucius, et en Occident en même temps qu’Héraclite, ce philosophe grec à la pensée très orientale, qui a dit qu’on ne pouvait jamais traverser plusieurs fois le même fleuve.
Aujourd’hui on sépare l’Orient et l’Occident mais à l’époque ce n’était pas aussi marqué. Donc en Orient, les grands sages taoïstes –Lao Tseu, Tchouang Tseu, Li Tseu – commencent à voir le monde à travers ce Tao, et c’est ainsi que tout un univers va naitre de cette nouvelle façon de voir. Pour vous faire entrer un peu plus dans cette dimension du Tao, voici un extrait du chapitre 5 d’un ouvrage sur Les Enseignements inconnus de Lao Tseu, le Hua Hu Ching, et traduit par Brian Walker.
Normalement le Tao Te King a 81 chapitres, ce chapitre 5 n’est pas tout à fait le Tao classique mais c’est très intéressant car très taoïste aussi :
Imaginez-vous l’univers agité ?
Allez de nuit dans le désert, élevez alors votre regard vers les étoiles.
Cette pratique devrait répondre à la question.
Tout comme l’univers stabilise les étoiles dans le ciel,
la personne supérieure apaise son mental.
En rattachant son esprit à la subtile origine, elle le calme.
Une fois pacifiée, elle se dilate naturellement
et devient en fin d’évolution aussi vaste et incommensurable que le ciel nocturne.
Voilà ce que demande le Tao : on part d’un grand Univers. Ce sont de très belles phrases dites dans les premiers chapitres du Huang Di Nei Jing Su Wen, le Classique interne de l’Empereur jaune, la bible des acupuncteurs et de toutes les personnes qui pratiquent les arts énergétiques, le massage, l’acupuncture, le qi gong, et la pharmacopée chinoise qui date aussi de 2000 à 3000 ans avant JC.
Le Su Wen est une compilation d’enseignements, de questions que l’on pose à l’Empereur Jaune. Dans les 11 premiers chapitres de ce Su Wen, qui veut dire Des questions simples, la première chose demandée est :
Y a t-il une dimension supérieure à l’homme ?
Le Grand Univers et le Coeur de l’Homme
L’homme est entre le ciel et la terre et il lui est demandé – comme il est dit dans l’extrait du précédent chapitre 5 des Enseignements de Lao Tseu-, de se dilater naturellement. Et cette dilatation part du Coeur de l’Homme. D’ailleurs, dans les vieux idéogrammes, le médecin et le sage sont équivalents : le sage est un médecin et le médecin est un sage.
Donc voilà d’où ça part en Chine, et comment petit à petit il s’y élabore toute une pensée dite aujourd’hui taoïste. Dans ces 11 premiers chapitres du Su Wen, avant l’art de la médecine proprement dite, qui englobe l’art des méridiens, des points, de la dimension des organes, de toutes les maladies, il est demandé à l’individu d’acquérir cette dilatation naturelle du Coeur, d’accueillir le Ciel dans son Coeur et d’en faire un espace aussi vaste que le Ciel immense, comme il est dit dans le beau chapitre 5 du Hua Hu Ching.
Les textes disent :
Le Ciel féconde la Terre et la Terre engendre les manifestations.
Donc tout part du Ciel pour les taoïstes. Le Tao est quelque chose d’incommensurable, de plus grand même que le Ciel. Le Tao engendre le Ciel, le Ciel engendre la Terre, la Terre engendre l’Homme, et chacun prend sa règle l’un de l’autre.
Lao Tseu dit dans son Tao Te King :
L’Homme est grand, la Terre est grande, le Ciel est grand, le Tao est grand.
L’Homme est un des quatre grands du Monde.
C’est ici la base de la pensée taoïste. Et nous, lorsque nous donnons un shiatsu, et essayons de redonner une dimension d’équilibre à la personne, il faut toujours que nous restions taoïste et que nous harmonisions le Coeur de l’Homme avec ce Ciel immense.
L’Unité du Tao, le Tao qui unifie
Petit à petit et au fil du temps en Chine, cette pensée taoïste offre toute une vision du monde que l’on pourrait qualifier de très chamanique, dans le sens le plus noble du terme, c’est à dire qu’elle conçoit que tout est Un, Unifié. Le Tao, c’est vraiment l’Unité. Mais on parle de l’Unité sans toutefois pouvoir la saisir. C’est pour cela que les vieux sages ont dit :
Dès que tu parles du Tao, ce n’est plus le Tao.
Car à partir du moment où tu as prononcé le mot, avec ton mental tu l’as fait descendre d’un cran. Car le Tao ne peut pas s’expliquer par les mots, il peut simplement se vivre dans le Coeur. Il y a donc toute la dimension méditative et contemplative de cette ouverture du Coeur. Tous les praticiens devraient garder cela dans leur Coeur, dans leur mémoire.
Je dis souvent aussi que si nous étions restés un peu plus taoïstes, nous n’en serions pas là où nous en sommes, les glaciers ne seraient peut-être pas en train de fondre et on ne nous annoncerait pas toutes ces catastrophes ! Parce que les taoïstes sont les premiers écologistes : tout est maintenu en équilibre par ce Tao qu’on ne peut pas voir, tout est maintenu en cohésion par cette chose invisible que Lao Tseu appelle parfois La femelle mystérieuse, ou bien aussi quelques fois L’aïeule des dieux, pour dire que le Tao est au dessus des dieux. Et dans la médecine, quand on soigne, on recherche cette même cohésion.
C’est comme si les dieux taoïstes avaient perçu que cette cohésion universelle faisant que la Lune tourne autour de la Terre et la Terre autour du Soleil…tout cela est bien maintenu par une gravitation et réglé comme du papier à musique au niveau astronomique.
Le corps de l’Homme est un petit Univers
Les anciens sages taoïstes ont bien résumé leur pensée dans cette phrase :
Le corps de l’Homme est un petit univers et l’Univers est un grand corps,
mais tout le monde étudie les mêmes lois du Tao.
Donc voilà comment les dieux chinois perçoivent le monde. Et nous avons beau être au 21e siècle et parler ici de choses qui datent de trois siècles avant JC, on part néanmoins de cette idée que les hommes ont toujours cherché la même chose.
Le bouddha, qui est de la même époque que les premiers taoistes, dit aux hommes en sanscrit ou en pali :
La vie humaine est entre dukh (la douleur) et sukh (le plaisir, le bonheur),
et tous les individus cherchent à se rapprocher de sukh et à s’éloigner de dukh.
Il y a donc cette idée que l’homme a toujours cette difficulté pour être en paix dans son Coeur. Et quand il ne l’est pas – c’est ce que la médecine chinoise va nous expliquer progressivement – cela signifie que les flux circulant dans le corps ne sont pas non plus en paix.
La demeure des Souffles
Le corps de l’homme est vu par les premiers taoïstes comme un petit univers mais aussi comme une demeure des Souffles. Les Souffles, c’est le fameux Qi des japonais, le Chi des chinois, le Prana des indiens ou le Neshamah des hébreux. Chez les Chrétiens, c’est le dieux qui souffle dans la glaise et l’eau pour faire naître quelque chose.
Dans toute cette médecine orientale – shiatsu, acupuncture, pharmacopée, qi gong, arts martiaux- tout est vécue à travers le Souffle. Un Souffle qui circule et qui vient du Tao à travers les différentes échelles de l’homme, de la Terre et du Ciel. Ce Souffle parcourt le corps, et l’homme ne peut être en bonne santé que si les Souffles traversent le corps de manière harmonieuse et équilibrante.
Cette dimension du souffle est donc partout. On retrouve dans le Shintoïsme, _La voie des dieux chez les japonais _l’idée que tout a une âme, un esprit : les cailloux, la montagne, les ruisseaux, les oiseaux, toute vie vibre. Tout peut donc être rendu en terme de Souffles.
Et nous praticiens, nous nous appuyons dessus, c’est notre socle. On va faire en sorte de résonner en terme de Souffles – par exemple dans un diagnostic propre à notre pratique et à celle des acupuncteurs, la palpation du ventre, Ampuku, et aussi la prise des pouls, on va écouter comment le Souffle circule dans les artères pour voir dans quel état intérieur est la personne, comment sa nature intérieure se vit en elle.
Comment avoir une Belle Vie, les Trois trésors
Donc petit à petit, la pensée orientale chinoise s’élabore ainsi : d’abord le Tao, la grande Nature, le corps de l’Homme vu comme un Univers, puis on resserre le sujet et on observe comment un homme peut être équilibré, comment il peut avoir une belle vie.
Aujourd’hui en Occident, dans les faculté de médecine, on n’enseigne pas la sagesse aux médecins ! Pourtant Hippocrate était un sage et un médecin, de même que Pythagore. Et jusqu’au siècle des Lumières, il n’y avait pas de séparation entre science et spiritualité. Encore au 16e siècle, le chirurgien impérial Ambroise Paré dit : Je panse mes malades, dieux les guérit. Il sait donc très bien qu’il est limité, qu’il est un petit homme faisant ce qu’il peut, mais qu’il y a une dimension de Souffle qui est plus grande que lui.
Alors peut-être que de manière très humble aujourd’hui, nous les shiatsuki – les praticiens de shiatsu– nous cherchons à rétablir les flux qui circulent dans le corps et qui sont la demeure des Souffles. Le taoïste Li Tseu dit :
Les Souffles légers appartiennent au Ciel,
les Souffles lourds appartiennent à la Terre.
L’homme est ainsi vu à la croisée des Souffles. Les Souffles légers qui descendent du Ciel, et qui vont aller rejoindre les Souffles lourds de la Terre qui remontent, attirés vers le Ciel. Avec l’homme au milieu, entre Ciel et Terre, apparait une dimension ternaire. Il est lui-même de dimension ternaire. Cette dimension symbolisée par le chiffre 3, est importante. C’est aussi le symbole du triangle, qui caractérise l’équilibre. Et là aussi quand on soigne en Shiatsu, on fait référence à ces grands Souffles Ciel Homme Terre.
Dans la médecine chinoise il y a Les 3 Trésors – San Bao en chinois. Ces 3 Trésors sont représentés par l’Essence, qui appartient au Rein, le Souffle qui appartient au Poumon, et l’Esprit qui appartient au Coeur. Et toutes ces choses doivent être en équilibre pour que l’homme soit en bonne santé.
Les méridiens d’acupuncture, le Hara
On n’a pas encore parlé des organes, qui arrivent après. Petit à petit, un tissage se fait, l’énergie du Ciel descend, celle de la Terre remonte, puis on a ce que les vieux médecins chinois ont décrit sous le nom de méridiens d’acupuncture ou canaux et qu’on ne peut pas voir. Des techniques de biotopes radioactifs ont été conçues pour tenter de les mettre en évidence, mais on ne les voit pas. Par contre le praticien shiatsu travaille avec, et s’il ne les voit pas, il les sent au toucher, notamment quand l’énergie est bloquée.
Par exemple une image très simple : un individu moderne extrêmement stressé, est coupé de la Terre, il n’a « plus les pieds sur Terre » dans tous les sens du terme. D’ailleurs c’est aussi à cause de cet état que l’on fait souffrir cette Terre.
Un homme qui souffre d’insomnie : c’est quelqu’un dont les énergie du Ciel n’arrivent pas à descendre et dont la Terre ne joue pas son rôle de prise de terre. Ces deux individus vont avoir des troubles dits du pôle supérieur. Aujourd’hui, il y aura ainsi de plus en plus d’infarctus, d’asthme (les poumons sont atteints par la pollution), de maladies mentales et inflammatoires. Toutes les énergies, chez l’homme moderne, sont bloquées vers le haut.
Les japonais insistent sur la notion et le travail du Hara, le ventre, qui est le centre où les énergies du Ciel et de la Terre se rencontrent. Si les énergies du Ciel ne descendent pas et que celle de la Terre ne remontent pas, le ventre est mal placé et alors c’est comme s’il se trouvait à la place du Coeur. Ce qui est déséquilibrant.
La structure ternaire Ciel Homme Terre
Donc petit à petit, on fait intervenir ces grandes notions de Ciel et de Terre, l’Homme étant au milieu. Et nous shiatsuki, nous retrouvons les 3 étages à la prise des pouls subtils. Cela peut sembler complètement poétique le Ciel, la Terre, vous pouvez vous demander ce que vous pouvez en faire dans la médecine chinoise. En fait, on retrouve cette notion au niveau de la prise des pouls : le premier étage est celui du Ciel, celui du milieu est celui de l’Homme avec tout le processus de transformation des aliments auquel participent le Foie et la Vésicule Biliaire, la Rate et l’Estomac, et l’étage inférieur c’est la Terre. Donc on se pose la question : Est-ce que l’homme est bien assis en lui-même, dans sa Terre ? La Terre ou Sa Terre, c’est la même chose. De même pour le Ciel et son Ciel. Il n’y a pas de séparation. Le corps de l’homme est vraiment un petit univers. D’ailleurs analogiquement, les idéogrammes décrivent le Ciel pour parler de la tête. La tête est le Ciel de l’homme. On est tous réchauffés par le même soleil, le soleil de l’homme c’est son Coeur, qui pulse la voie sanguine partout, qui réchauffe et nourrit en même temps, comme le soleil pour les plantes.
Ensuite, toujours au fil du temps, des médecins élaborent une médecine où le corps est le réceptacle des Souffles. Dans le livre Su Wen précédemment cité, l’homme qui pose des questions a déjà la réponse en fait, mais il pose des questions intelligentes à l’Empereur. Par exemple : Mais pourquoi les hommes sont déséquilibrés, que font-ils ? Et l’Empereur répond par une critique du comportement de l’homme – vous vous rendez compte, il y a déjà 2000 ans !- disant qu’il a perdu son équilibre, qu’il fait n’importe quoi, qu’il travaille trop, qu’il boit trop ou pense trop à faire la fête. Ce qui lui fait perdre son bon sens, son bel équilibre ternaire, et il commence à tomber malade.
La carte des méridiens et le mouvement binaire Yin Yang
Pour l’élaboration de la carte des méridiens, l’homme est représenté les bras en l’air. Tous les méridiens qui descendent vers la Terre sont appelés les méridiens Yang, et tous ceux qui montent vers le Ciel sont les méridiens Yin. Ce qui fait référence au Yang* c’est le Ciel, le soleil, l’activité, la lumière, le feu, tout ce qui donne le mouvement. L’idéogramme représente un plein soleil tandis que celui du Yin* montre un aspect nuageux. Ce sont l’adret et l’ubac de la montagne. Tout ce qui représente le Yin est beaucoup plus intérieur, comme l’obscurité, l’immobilité, la lune…
Ainsi sur Terre apparait un équilibre Yin Yang, qui détermine la bonne santé de l’individu. Tout le monde connait ce très ancien logo, ce mandala représentant ce mouvement binaire, pendulaire et perpétuel du Yin Yang : le Feu/l’eau, dedans/dehors, derrière/devant, le haut/le bas, etc. Et toute cette médecine s’élabore selon cette unité Yin Yang – attention ce n’est pas une dualité ! ce sont deux choses absolument compénétrées et qu’on ne peut jamais séparer : s’il y a un haut il y a un bas, s’il y a un devant il y a un derrière, s’il y a une nuit il y a un jour, etc…
Les déséquilibres Yin Yang, les règles de vie et la diététique chinoise
Un individu trop Yang s’enflamme : maladies inflammatoires, insomnies, éruptions, du rouge apparait, des maladies en -ites : prostatites, sinusites, rhinites, arthrites, polyarthrites…Dans un déséquilibre Yin, on dégringole, il y a des maladies de l’eau, ce sont les maladies en -ose : arthrose, ptose. Tout ce qui tombe, commence à pourrir, appartient à l’eau.
Les médecins commencent donc aussi à l’élaborer la médecine en fonction de ce mouvement Yin Yang, en cherchant à bien équilibrer les deux aspects dans l’individu.
Et en considérant aussi les saisons, ils élaborent des Règles de vie : l’été étant plus Yang que l’hiver, il y a plus de jour, de chaleur, on peut se lever et coucher plus tard, être actif…L’hiver c’est normal d’être plus à l’intérieur pour rester au chaud et d’avoir moins d’activité, de cocooner…
Aujourd’hui, on n’a plus vraiment de Règles de vie : on fait ce que l’on veut, on peut dormir n’importe quand, se coucher à toute heure, manger des fruits qui viennent de n’importe quel pays et/ou qui sont hors saison. Par exemple, si vous mangez une tomate en plein hiver, vous mangez le climat dans lequel a poussé la tomate, donc manger une tomate en hiver va rafraichir le corps qui a plutôt besoin de se réchauffer. De même, manger beaucoup de fruits en hiver rafraîchit aussi le corps, ce qui le rend plus yin. Pourtant la nature est bien faite, on ne trouve pas de tomates en hiver dans nos jardins. Mais maintenant, on trouve tous les fruits tout le temps, bananes, poivrons, mangues…Se faisant, on ne respecte plus ce qui est naturel au sens du Tao.
De même il y a des règles de vie concernant le sommeil. Je dis souvent à mes élèves depuis 35 ans : faites attention, dormez suffisamment, ne vous ôtez pas des heures de sommeil. Une société de neurologie française a récemment édité un compte rendu disant que cela pète de partout car nous dormons 1h 1/2 de moins qu’il y a un siècle, ce qui fait une bonne nuit toutes les semaines. Et pourtant l’individu pense qu’il n’est pas nécessaire de dormir autant, que c’est du temps perdu : ainsi on n’habite plus le Yin.
Il n’y a pas que le réchauffement climatique, il y a aussi le réchauffement des neurones (trop de yang) ! Tout se met à alors s’enflammer.
Il faut donc devenir Taoïste, repartir aux sources et au bon sens du Tao. C’est d’ailleurs peut-être pour cela qu’en Occident, on se ré-oriente, par un besoin de retrouver ces règles naturelles. Plus on transgresse, plus on a de chances de tomber malade. C’est ce que disent les vieux médecins.
Une règle toute simple par exemple : En hiver, couche-toi tôt, lève-toi tard; couvre-toi, protèges-toi du froid, ne te confronte pas à lui, fait comme les animaux qui rentrent le bec dans les plumes ou qui hibernent, mange chaud, mange ce qui pousse dans le pays et la saison, ne fait pas trop de projets, ne travaille pas trop, reste calme et dans l’intériorité…
En été, c’est l’inverse : lève-toi tôt, couche-toi tard; mange les fruits qui poussent au soleil, va nager dans la mer etc…
C’est vraiment un plaidoyer pour les locavores : je ne mange pas ce qui pousse à plus de 50 km de chez moi ! 50 km c’est à mon sens en moyenne le temps de marche qu’un individu peut faire pour aller à pied au marché le matin. Mais tout cela n’est pas respecté aujourd’hui. Certes, on ne peut peut-être pas vivre comme disaient les vieux maitres chinois, mais on peut faire moins de bêtises.
La médecine chinoise et les 12 méridiens principaux
Ensuite, cette médecine chinoise devient de plus en plus savante, complexe. Comme la médecine occidentale, elle élabore des tableaux pathologiques, des points de méridiens… Tous les 12 grands méridiens qui descendent et qui montent sont reliés aux organes internes, et aux 12 grandes fonctions du corps. On a en plus deux autres grands méridiens sur la ligne médiane du corps qui sont des équilibreurs, devant c’est Ren Maï, le Méridien Conception et derrière, c’est Chong Maï, le méridien Gouverneur et enfin le méridien Dai Mai, le Méridien Ceinture qui fait le tour du corps au niveau du ventre comme son nom l’indique.
On voit par exemple que le méridien du Coeur passe par l’auriculaire, le petit doigt de la douleur en cas d’infarctus. Cette science des méridiens est formidable car elle montre, comme l’ont compris aussi les médecins occidentaux, que les désordres visibles à l’extérieur sont des symptômes de désordres à l’interne. Comme pour des maladies de peau par exemple. Mais aujourd’hui, vous allez voir un dermatologue pour un problème de peau : il ne fera jamais la relation entre cette maladie de peau et la nourriture par exemple. Et si vous lui dites : Docteur, pensez-vous que je peux corriger des aspects de mon alimentation ? Là vous allez vous faire rabrouer : Allez voir un gastro-entérologue, moi je ne suis que dermatologue !
Une élève raconte dans son mémoire l’histoire d’une personne qui va voir un gastro-entérologue pour des troubles digestifs et qui à la fin de la consultation demande : Docteur, vous ne pensez pas qu’il pourrait y avoir certains aliments envers lesquels je devrait faire attention ou que je ne devrais pas consommer ? Et le gastro de lui rétorquer : moi je n’ai rien à vous dire là-dessus ! Je suis gastro-entérologue et pas diététicien !
Donc comme vous le savez, les maladies du tube digestif n’ont rien à voir avec la nourriture ! On en est là…La médecine occidentale, par son hyper spécialisation, a tout séparé dans la compréhension et le traitement de notre mode de fonctionnement de santé, et a perdu souvent tout bon sens.
Petit à petit en Chine, on en arrive a une médecine vraiment savante et qui demande chaque fois le respect des équilibres naturels. Certains points d’acupuncture sont comme des écluses, et le médecin chinois voit le corps comme un réseau hydraulique. Beaucoup de points sont décrits comme des lacs, des sources. L’homme est vu comme un paysage, ou un pays-sage ;-). Il y a une gravure taoïste qui s’appelle l’homme-montagne où la colonne vertébrale est vue comme une montagne.
A propos de la culture ternaire des chinois et de l’enseignement occidental
Quand j’étais étudiant en kinésithérapie dans les années 77 à la fac de Montpellier, on nous enseignait que le bras était divisé en 3 parties – bras, avant-bras et main- mais personne ne nous enseignait que l’homme était constitué de cette structure ternaire.
Pour la tête, vous avez trois étages : celui des yeux, du nez et de la bouche. On retrouve cela en morpho-psychologie : un grand front en général signe une personne d’esprit. Des lèvres charnues, épaisses signent une personne sensuelle, qui aime la bonne chair. C’est imparable. Le thorax de même est divisé en trois : Il y a l’étage des organes qui passent la vie – Coeur et Poumon. Puis au milieu les organes de la transformation – Rate et Estomac, Foie et Vésicule biliaire. Puis au 3e étage inférieur, ce sont les organes de l’excrétion : Gros Intestin et Intestin Grêle, Vessie et Rein.
Tout dans le corps humain est donc divisible en trois, c’est l’équilibre : il y a les 3 cerveaux, les membranes. Même la main ou le pied, vous pouvez les diviser en trois : carpes, métacarpes et phalanges. Puis il y a trois phalanges, sauf pour le pouce qui est un doigt sacré.
Les points des méridiens, clés d’observation chinoise de l’état d’équilibre de l’individu
Il y a donc dans cette médecine chinoise, une culture ternaire, un mouvement binaire Yin Yang, des relations qui doivent être harmonieuses entre le dedans et le dehors. Et tous les méridiens et points situés sur la surface du corps renseignent sur ce qui se passe à l’intérieur. C’est ainsi que praticiens shiatsu nous travaillons : en cheminant par le toucher le long des méridiens, certains grands points par lesquels on passe sont comme des écluses qui nous aident à ouvrir ou fermer le circuit, suivant que l’on veut amener de l’Eau, en retirer, amener du Feu pour réchauffer, enlever du Feu pour empêcher les inflammations…
La médecine chinoise dit que la base du système part des Reins, du Yin et du Yang des Reins qui maintiennent l’équilibre entre l’Eau et le Feu. Toute la vie d’un individu est maintenue en équilibre entre l’Eau et le Feu des Reins. Trop d’Eau, tout pourri ou s’effondre. Trop de Feu tout s’enflamme.
Tous les points d’acupuncture sont numérotés. Les médecins chinois on réalisé une cartographie de ces points et méridiens. Par exemple pour le méridien Vaisseau Conception, il y a 24 points – 3 x 8 points répartis le long du méridien. C’est la dimension et les proportions de l’homme sacré, comme pour l’homme de Vitruve de Léonard de Vinci. D’ailleurs dans les Temps anciens, les temples étaient bâties sur ce même modèle de proportions sacrées, célestes. La Cité Interdite à Pékin en est un exemple.
Mais comment ont-ils fait pour trouver ces points ? On appelle cela la coalescence des points. Sur le grand méridien de la vessie, qui part du coin intérieur de l’oeil et qui finit au 5e orteil, il y a 67 points. Le méridien le plus court est celui du Coeur avec seulement 9 points. Chaque méridien a un nombre différent de points et on remarque qu’ils répondent chacun à une même loi : plus le méridien est court, plus il est important. Moins il y a de points plus il faut faire attention. et sur chaque point, on peut avoir une façon particulière de travailler en fonction de ce que l’on sent au toucher, et de la fonction particulière de chacun de ces points.
Par exemple sur le grand méridien vessie qu’on appelle aussi le Miroir du dos, le long des vertèbres de chaque côté de la colonne, les points communiquent avec tous les organes internes, ce sont les points SHU. La 3ème dorsale communique avec le Poumon, la 5ème avec le Coeur, la 9ème avec le Foie, la 11ème avec la Rate, la 12ème avec l’Estomac etc jusqu’au sacrum. Le derrière et le devant sont en harmonie.
Le travail des points en shiatsu
On dispose ainsi de beaucoup de clés pour travailler et comprendre l’individu. La prise de pouls nous permet de savoir si la structure ternaire et le mouvement pendulaire (binaire) sont respectés. Puis le long des points, toute douleur sur le corps est pour nous signifiante.
Par exemple, j’ai une douleur musculaire au sommet du trapèze supérieur, au centre du trapèze, au niveau du 21ème point de la Vésicule biliaire qui s’appelle Le puit de l’épaule, en chinois Jian Jin. Cette tension à cette endroit précis signifie peut-être que j’ai des soucis, que je me fais de la bile, que j’ai le sentiment de « n’avoir pas les épaules assez larges », et que je commence à subir des choses lourdes rendant mes épaules douloureuses. En shiatsu, en « ouvrant » ce point 21VB, on libère la tension (physique et mentale) de la personne, et on amène l’énergie dans les pieds : ce qui l’aide à se détendre, la tête et le cou se relâchent car aussi le mental se relâche. Ce n’est donc pas simplement une vision de l’homme musculaire.
Il y a des points disséminés ça et là le long des méridiens, qui donnent des renseignements très précieux sur l’état actuel d’équilibre de la personne. Par ce travail des points, on a la capacité de conduire l’énergie là où le corps a besoin pour retrouver un meilleur équilibre.
FIN (de la première partie)
Bernard Bouheret est praticien de shiatsu et enseignant, président de l’AIST et de l’UFPST.
Pour approfondir :
- Le Tao Te King
- Le Hua Hu Ching
- La dimension ternaire Homme Terre Ciel
- Le Su Wen
- Méridien de la Vessie
- Méridien du cœur
- Idéogramme Yin Yang
- Le taoïsme et la connaissance du corps
- La Cité Interdite de Pékin
- le point 21VB
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